Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Joël Dimitri Vihoundjè "Le Citoyen Engagé"
2 juin 2012

DSK-Diallo : les coulisses d'une enquête «bâclée»

 

Par Adèle Smith 
Dominique Strauss-Kahn, devant la cour suprême de New York, le 6 juin 2011. Nafissatou Diallo, le 28 juillet face à la presse à Brooklyn.
Dominique Strauss-Kahn, devant la cour suprême de New York, le 6 juin 2011. Nafissatou Diallo, le 28 juillet face à la presse à Brooklyn. Crédits photo : Allan Tannenbaum/Mary Altaffer/AP

Dans un livre à paraître mardi, le journaliste John Solomon expose les erreurs commises par le procureur Cyrus Vance.

Ambition, amour-propre, arrogance: dans un livre captivant à paraître mardi sur les dessous de l'affaire DSK, le journaliste d'investigation américain John Solomon raconte comment les principaux personnages se sont laissé dépasser par ce drame hors mesure. Son enquête très étayée montre qu'un procès pénal aurait dû avoir lieu, même s'il serait impossible d'en préjuger l'issue finale. L'ancien journaliste de Newsweek expose les erreurs commises au fil de l'histoire par les uns et les autres, en particulier l'équipe du procureur Cyrus Vance. John Solomon a eu accès aux courriels échangés entre les procureurs et l'avocat de la femme de chambre, Kenneth Thompson, ainsi qu'à l'enquête menée par le très discret avocat du Sofitel, Lanny Davis.

Une première erreur

Une première erreur a lieu dans les heures qui suivent l'arrestation deDominique Strauss-Kahn. Pendant plus de quatre heures le samedi après-midi 14 mai, avant qu'il ne demande à parler à son avocat, pas un seul détective ne l'interroge sur ce qui s'est passé dans la suite 2806 entre 12 h 06 et 12 h 13. Le NYPD attendait apparemment des instructions du procureur qui ne venaient pas. C'eût pourtant été l'occasion pour les policiers de le faire parler et de le pousser à l'erreur. L'examen médical de l'ex-patron du FMI n'est par ailleurs réalisé que le lendemain après-midi. «Les traces de lutte sur son corps ont pu disparaître. L'ADN sous ses ongles a eu le temps d'être lavé», écrit le journaliste qui a interrogé plusieurs experts. «Les avocats de DSK ont repéré très tôt les divisions au sein du bureau du procureur entre ceux qui voulaient aller vite et les autres. Ils leur ont laissé entendre qu'en cas de procès, ils exposeraient toutes leurs erreurs», raconte-t-il, persuadé qu'une telle perspective a contribué à la décision finale des procureurs d'abandonner les charges.

Obnubilés qu'ils étaient par les médias, ces derniers en ont négligé l'enquête. À l'audience sur la liberté sous caution de DSK, Daniel Alonso et John McConnell, adjoints au procureur, n'ont toujours pas vérifié les réelles raisons de la hâte de DSK à la sortie du Sofitel ou l'existence d'une résidence à Washington. Après la décision prise de lâcher Nafissatou Diallo courant juin, les procureurs se comportent plus en politiciens qu'en justiciers. Cyrus Vance, procureur encore inexpérimenté, demande à Linda Fairstein, ancienne responsable de l'unité des viols (Sex Crime Unit), désormais auteur de romans policiers, de rédiger le document final d'abandon des charges fin août. «En vingt-cinq ans de couverture des tribunaux, je n'ai jamais vu cela», s'exclame Solomon.

Les mensonges de Nafissatou Diallo

Mais il y a plus grave. Quatre jours après le début de l'affaire, Cyrus Vance a remplacé la responsable du Sex Crime Unit Lisa Friel par Joan Illuzi, spécialiste des homicides. «La subtilité n'est pas sa première qualité», ironise Solomon qui révèle que trois semaines plus tard, elle ignore encore certains détails du dossier. Avec Ann Prunty, connue pour ses interrogatoires musclés, elles semblent en outre ne pas accorder toute l'importance nécessaire à l'histoire forcément complexe d'une immigrée africaine. C'est Kenneth Thompson lui-même qui leur révèle les mensonges de sa cliente sur le viol en Guinée et les avocats de DSK qui les alertent sur certaines de ses incohérences. Lorsqu'elles comprennent l'ampleur des mensonges de Nafissatou Diallo, Joan Illuzi et Ann Prunty opèrent un virage à 180 degrés, laissant tomber des éléments de l'enquête pourtant accablants pour DSK. Les deux grandes spécialistes du viol Linda Fairstein et Lisa Friel sont inquiètes. Elles ont gagné des procès dans des affaires où les victimes avaient plus d'un cadavre dans leur placard, mais Joan Illuzzi et Ann Prunty ne veulent aller au tribunal contre les brillants avocats de DSK que si elles ont une «victime parfaite». Dans leur colère contre le survolté Kenneth Thompson et la menteuse Nafissatou Diallo qui parle un anglais approximatif, elles ignorent un détail important: les cartes des chambres d'hôtel qui donnent raison à celle-ci sur ce qui s'est passé après la rencontre avec DSK. Le conseil recruté par le Sofitel a mené sa propre enquête et interrogé tous les employés, loin des caméras. Lanny Davis, l'un des avocats les plus réputés de Washington, fait part des détails de son enquête à Cyrus Vance qui lui promet d'examiner les cartes. Mais celui-ci n'en fait rien. Au même moment pour une raison inconnue, quelqu'un dans son bureau fuite une information erronée au New York Times, lequel ne la vérifie pas rigoureusement d'après Solomon. Elle porte sur la conversation de Nafissatou Diallo en dialecte foulani avec le vendeur de drogue incarcéré en Arizona. Du jour au lendemain, la crédibilité de la femme du Bronx est ébranlée. Un traducteur du bureau du procureur confirmera plus tard à Solomon que la femme de chambre n'est pas celle qui a parlé d'argent et n'a pas renchéri sur le sujet. «Mais ni le quotidien ni le bureau de Cyrus Vance ne font grand-chose pour rétablir la vérité», constate l'auteur.

Chamailleries

Une conversation tenue début août selon John Solomon, entre la responsable de l'enquête Joan Illuzi et l'avocat du Sofitel Lanny Davis, est étonnamment révélatrice: «Je n'ai aucun doute qu'il se soit passé quelque chose qui n'était pas souhaité», reconnaît Illuzi. Elle est d'avis comme lui que la relation n'était pas consensuelle et que Nafissatou Diallo n'a pas demandé d'argent, mais celle-ci a menti sur son passé en Guinée et ses relations avec des gens louches. À ses yeux, c'est inacceptable. Joan Illuzi s'est aussi sentie insultée par le flamboyant Kenneth Thompson, qui l'a littéralement accusée de mentir dans l'un de ses courriels. «Si Ken Thompson s'était excusé dès le début, nous aurions peut-être pu présenter ce cas devant un tribunal. Nous aurions pu la croire et le croire», admet carrément l'un des procureurs à John Solomon fin août. «En écoutant leurs chamailleries, on avait l'impression d'être dans une cour d'école. Moins d'émotion aurait permis de se concentrer sur l'affaire et ne pas se diriger vers un abandon des charges», conclut-il. Kenneth Thompson avouera lui aussi une erreur fatale au journaliste: celle de ne pas avoir accompagné sa cliente à l'interrogatoire catastrophique des 8 et 9 juin avec Joan Illuzzi et Ann Prunty. Ce jour-là, il avait une conférence de magistrats, susceptible de «faire avancer sa carrière». «Même DSK qui se targue tant de son innocence était prêt à payer Nafissatou Diallo dans un accord à l'amiable en juin», souligne Solomon. Le journaliste qui révèle que l'occupant de la suite 2820 est un professionnel français du marché du vin démonte également la théorie du complot, rappelant que les avocats de DSK estiment qu'il avait probablement son téléphone avec lui dans le taxi, comme le suggère la vidéo du Sofitel. Le signal a été perdu dans le taxi.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Blog de Joël Dimitri Vihoundjè "Le Citoyen Engagé"
  • Le blog qui parle de politique nationale et internationale,avec un ton féroce pour les grands de ce Monde...Le blog qui parle du développement... Contacts: +229 97 40 50 24 jodadiv@gmail.com
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité